De la Supervision à la Méta-vision

De la Supervision à la Méta-vision

Les coachs et les mentors, comme les psys, ont besoin de supervision : elle est leur cocon, leur espace où ils peuvent déposer leurs questions, leurs impressions, nettoyer l’énergie négative qui émerge parfois de coachings très émotionnels et, surtout, se sentir accompagnés par un professionnel expérimenté, connaissant parfaitement le cadre du processus, bienveillant, et qui leur permet de maintenir voire de récupérer leur énergie. Seule condition : faire confiance à un superviseur dûment formé à cette discipline qui ne s’improvise pas.

Nous exerçons un métier formidable ! En coachant, nous contribuons à rendre les gens plus heureux, plus efficaces dans leur profession et dans leur vie. Cela booste notre énergie et nous nous sentons utiles.

Pourtant, avec le temps, nous accumulons pas mal d’énergie négative du fait des problématiques et thèmes que nos clients nous apportent. Nous devons souvent gérer des émotions fortes qui peuvent nous impacter et nous faire perdre de l’énergie. Nous nous retrouvons devant des cas difficiles de personnes qui doivent prendre des décisions importantes pour leur vie. Nous souhaitons les aider de notre mieux et nous nous y appliquons, parfois, à notre corps défendant. Personnellement, je reconnais ce moment car j’ai appris à le pister ; je suis plus attirée par le sucre, par exemple. Cela m’indique qu’il est temps que je m’accorde un espace de récupération de moral et d’énergie. Soit j’y arrive seule grâce à une bonne promenade avec mon chien, un bon break, un moment de ressourcement ; soit je n’y arrive pas et je prends alors rapidement rendez-vous avec mon superviseur.

Certains coachs, quand ils sont trop sollicités émotionnellement ou énergétiquement, deviennent plus nerveux, plus impatients. Certains n’arrivent plus à tourner la page après une session difficile et continuent littéralement à porter leur client sur leurs épaules loin après la fin de la séance. D’autres se sentent seuls face à la demande de certains clients exigeants, ont du mal à établir un cadre clair face à des demandes prégnantes, n’arrivent pas à établir une frontière claire entre la problématique du client et la leur.

 

De la Supervision à la Méta-vision
Le superviseur est un spécialiste de la vision de nuit : il a appris à voir l’invisible dans la relation coach-coaché.

Photo de eberhard grossgasteiger - Pexels

D’autres encore se sentent directement impliqués dans l’histoire de leur client et se positionnent, bien inconsciemment, en sauveurs de la situation. D’autres ont du mal à conserver la distance avec leur client, tout simplement parce qu’ils l’apprécient au niveau humain et ont envie d’en faire un ami. D’autres, enfin, se retrouvent devant des questions éthiques qui les écartèlent : comment maintenir la confidentialité dans certains cas, ou ne pas tomber dans le piège d’un conflit d’intérêts, pour ne prendre que deux exemples courants.

Tous ces thèmes doivent être « nettoyés » et traités de façon systématique. Personnellement, j’appelle mon superviseur toutes les six semaines en période calme et parfois tous les quinze jours quand j’ai plusieurs cas difficiles (individuels ou entreprise) à mon agenda.

C’est quoi une supervision ?

S’inscrire à une séance de supervision, c’est s’offrir le regard d’un coach plus expérimenté sur notre façon de faire en tant que coach, une méta-vision. Elle traite de la façon dont nous nous sommes présentés pour la première fois à notre client – comment avons-nous négocié, à notre juste valeur ou non, dans notre pleine puissance ou non, avec un message clair ou non, etc. Également, le contrat que nous avons conclu en tenant compte de tous les intervenants en présence ou non : avons-nous détecté les jeux psychologiques liés à la relation entre eux, par exemple ? C’est aussi la façon dont nous conduisons chaque séance de coaching, individuelle ou en groupe, les outils utilisés ou non, la façon dont nous gérons l’énergie générale, les initiatives que nous avons prises ou non, les regrets qui émergent parfois face à telle orientation que nous avons donnée à la séance, l’effet secondaire que nous pouvons ressentir à la fin d’une séance – avons-nous gagné ou perdu de l’énergie ? Sans oublier les jeux psychologiques qui peuvent s’installer entre les parties prenantes lors du parcours de coaching, et bien d’autres choses encore.


Une précision : il ne s’agit pas de coach mentoring qui, lui, s’oriente exclusivement sur le développement de huit compétences du coach, ICF et/ou EMCC. La supervision, quant à elle, traite de la relation qui s’instaure entre le coach, son client et l’environnement de celui-ci, et des mécanismes y afférents.


Chaque fois que je sors d’une séance de supervision, je me sens non seulement écoutée et comprise, mais également recadrée quand c’est nécessaire, nettoyée de tout sentiment négatif qui aurait pu se développer et à nouveau dans ma pleine puissance, comme toute fraîche, et en pleine confiance en mes capacités de coach. Autant vous le dire, mon investissement en temps, énergie et argent, génère un return plus qu’appréciable.

Professionnel ou pas ?

On trouve toute une série de superviseurs sur le marché, national et international. Il y a ceux de la vieille école, souvent maîtres-coachs qui recourent à l’ensemble de leurs formations depuis 10-20 ans dans laquelle peut se retrouver une formation à la supervision ou non, à leur expérience éprouvée en life ou en business coaching, aux centaines d’heures de supervision qu’ils ont reçues de superviseurs différents, ce qui leur a permis de créer leur propre style de supervision, et à leur grande maturité – ils ont généralement 50, 60 ans ou plus et sont d’excellents superviseurs. Si beaucoup n’ont peut-être pas suivi une seule école de supervision à proprement parler, ils en ont suivi plusieurs à travers les différents styles de supervision qu’ils ont reçus et ont pu ainsi mélanger leur expérience en tant que supervisé aux formations multidisciplinaires qu’ils ont suivies.
Et puis il y a toute une nouvelle génération de jeunes coachs qui sont devenus superviseurs très rapidement, juste avec deux à cinq ans de pratique seulement. Or, je remarque que beaucoup – et je le dis sans jugement aucun – se sont retrouvés dans une position de superviseur à la suite d’une demande d’un marché émergent, souvent hors USA ou Europe, ou à une volonté d’aider leurs pairs, mais n’ont que peu d’expérience, de formation ou de maturité de vie professionnelle et personnelle.

Un véritable boost énergétique !

Un métier spécifique

La supervision est un métier à part et appelle trois types de connaissances : (1) du processus de coaching, y compris les pièges inhérents aux contrats individuels ou d’entreprise, (2) des outils et multiples disciplines utilisés en coaching et leur contexte, (3) des processus psychologiques qui sous-tendent toute relation de coaching. Or, si la plupart des coaches ont bien été formés aux deux premiers types de connaissances, bien peu sont conscients des processus et jeux psychologiques qui se trament lors d’une séance de coaching et que j’ai appelés les « défis du coach ». Il s’agit, par exemple, de l’inclusion du coach dans une approche systémique de la relation individuelle ou d’entreprise, de l’émergence de processus parallèles entre l’histoire du client et celle du coach, et de processus psychologiques plus fins – stratagèmes, transfert et contretransfert, etc. – qui s’installent insidieusement lors d’un parcours de coaching.
Ces thèmes ne sont pas traités lors d’une formation de coaching traditionnelle, ou très peu. Or, c’est précisément l’objet des formations à la supervision sérieuses.

Une formation à la supervision doit inclure l’approche systémique du cadre de l’intervention, l’analyse des processus business et psychologiques, présenter différentes approches de supervision, traiter des niveaux ontologiques partant du corps physique (énergie, santé) du coach en passant par son mental (moral), son émotionnel (ne pas se laisser impacter par la problématique ou la personnalité du client) et le spirituel (pour qui, pour quoi tout cela, quelle dimension plus élevée apporter à son action, quel sens lui donner, comment ‘être’ et non uniquement ‘faire’). Alors, elle peut se targuer d’être complète.

Avec quatre autres collègues, j’ai créé The Academy of Coach Supervision & Mentoring, qui propose le programme ‘Global Supervision Training’, une formation à la supervision vraiment intégrative et sérieuse. Nous la donnons depuis janvier 2021 en Russie et contrées russophones avec l’aide de notre excellent partenaire IPC-Centre, car il nous fallait un partenaire sérieux et estimé pour combler les besoins du pays en supervision professionnelle.

J’ai personnellement contribué à la formation et à la supervision de centaines de coachs dans le monde, et dans la CEI, et en suis fière. Maintenant, passons à la vitesse supérieure et assurons-nous que les coaches soient bien accompagnés dans leur propre développement. Comme j’ai l’habitude de le dire : il est important que le lave-vaisselle soit, lui aussi, bien propre pour qu’il puisse continuer à bien nettoyer la vaisselle ! C’est trivial, je sais, mais cela résume bien le besoin de chaque coach pour une supervision digne de ce nom. Après tout, ce n’est pas de supervision dont on parle mais bien de méta-vision sur sa pratique de coaching au quotidien. Qu’on se le dise !

 

Sylviane Cannio, MCC, MP, ESIA.

 

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